Les jeunes filles

Publié le par ErMa

"Les jeunes filles" de Henry de Montherlant - Folio.

Un livre pioché dans la bibliothèque de Noëlle et JB pendant les vacances. Le premier d'une tétralogie consacré aux jeunes filles - justement, - incluant "pitié pour les femmes", "le démon du bien" et "les lépreuses". C'est ce dernier titre, alertant une réminiscence chez moi (je crois que j'avais vu le bouquin il ya très longtemps chez mes grands parents maternels) qui m'a décidé à entamer le cycle.

Ecrit dans les années vingt, ce roman a beaucoup vieilli, car les relations entre les deux sexes, et en particulier la condition de la femme on beaucoup évolué. C'est donc très "vintage" et parfois trop en dehors de notre environnement quotidien actuel pour qu'on ait envie de s'y intéresser. Mais, avec un peu de persévérance on peut bien entendu arriver à identifier quelques clés universelles, qui transcendent les époques, et qui finissent par rendre le sujet somme toute pas trop inintéressant.

Costals, le "héros", est un écrivain à succès, et aussi un "homme à femmes". Prototype du cynique, il cristallise  à peu près tous les défauts présents chez ceux qu'on a coutume d'appeler les machos : arrogance, suffisance, indifférence. Jouant au chat et à la souris  avec une jeune femme de trente ans, très cérébrale, vivant à la campagne, et qui désespère de se marier un jour, il entretient avec elle une correspondance équivoque. Un échange de lettres constitue en fait le fil conducteur du récit. Et on découvre au fur et à mesure de l'histoire que le jeu n'est en fait rien d'autre qu'une mise en scène cruelle destinée à l'humilier. Et pourtant celle-ci, aveuglée par ses illusions, n'arrivera jamais à interrompre leurs rapports.

Costals est donc l'exact contraire du personnage principal de "la rose de sable", autre livre  du même auteur que j'avais lu il y a quelque temps et que j"avais  beaucoup aimé. Le portrait en négatif du lieutenant Auligny, officier aux idées étroites, engagé à son corps défendant dans la France coloniale, mais habité par la droiture et la délicatesse, et imprégné par les idées de justice.  On peut donc s'imaginer que Montherlant s'est livré là à un exercice de style. Mais, malgré le soin pris à prendre de la distance, à brouiller les pistes, il n'arrive en fait à tromper personne (et surtout pas moi) : on perçoit chez lui une misogynie profonde, un vrai dégoût des femmes, qui laisse pantois, et que l'on ne peut s'empêcher de trouver sincère. En clair, trop juste de ton pour être simulé.

Mais oui... Derrière tout ça se dissimule en effet l'éternelle question autour de l'oeuvre et de l'écrivain. Car, malgré le caractère fictionnel du roman, il y a toujours d'une façon ou d'une autre, volontaire ou pas, refoulée ou revendiquée, éventuellement codée, voire carrément en creux  la part du créateur qui transparaît inéluctablement au travers des pages.

Et au détour de celles-ci, ce qui se dévoile s'avère particulièrement trouble. Je ne sais pas si ceci était apparu à l'époque, mais on discerne, au delà de l'affirmation masquée d'une homosexualité refoulée (ce qui ne me gêne en aucune manière) un vrai chant d'amour pour les "amitiés particulières" (oui : les jeunes garçons, et ceci met par contre carrément mal à l'aise). Tout ceci éclate au travers d'un long passage à la tonalité crypto-pédophile vraiment frappante, où l'écrivain évoque ses relations avec son fils naturel.

L'histoire officielle dit que l'auteur fera l'objet d'un "outing" posthume, et l'image idéalisée du grand écrivain en prendra un sacré coup. Ceci est un peu anecdotique mais donne tout de même un peu de sel au bouquin. Car s'agissant de l'histoire elle même, elle n'incite pas vraiment à pousser plus loin : vraiment datée et ne présentant pas les arguments pour captiver un lecteur de l'année 2009, surtout quand il fait beau dehors, que le soleil brille et invite à d'autres activités moins cérébrales.


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