Hurtigruten 9 | Vesterålen

Publié le par ErMa



Temps gris ce matin, nuages lourds, ciel chargé. Quand je monte sur le pont, le Trollfjord vient de s'engager à vitesse réduite dans le Risøyrenna, un très étroit chenal dragué entre les îles Hinnøya et Andøya. Jusqu'en 1922, l'Express Côtier devait faire un grand détour vers le nord, mais de nos jours, il arrive à se faufiler entre une rangées de perches qui balisent cette région de hauts-fonds. J'ai entendu dire que le plus imposant des navires de la flotte  (c'est à dire le nôtre) n'avait qu'un mètre d'eau au dessous de sa  quille à l'endroit le moins profond. Bigre... 

Le temps d'une très courte escale à Risøyhamn pour décharger et embarquer quelques tonnes de frêt, et nous voilà déjà repartis. Après quelques heures de navigation, courte escale à Sortland, capitale des îles Vesterålen. Le temps s'est levé, le navire est mouillé dans des eaux calmes sur lesquelles miroite l'île en face, surmontée d'un grand ciel bleu parcouru de quelques gros cumulus boursouflés.

En milieu d'après-midi, nouvelle escale à Stokmarknes, minuscule cité ayant la particularité d'abriter le Hurtigrutemuseum. C'est ici que le père de l'Express Côtier, Richard With, fonda la Vestereelens Dampskibsselskab en 1881. Nous visitons le MS Finnmarken construit en 1912, désarmé depuis, et exposé à terre. Comme il se doit dans tout musée, la sortie communique inévitablement avec... un magasin de souvenirs nous proposant les quelques horreurs habituelles.

Un peu plus tard, le navire reprend la mer. Une imposante paroi rocheuse semble nous barrer la route, mais comme par miracle, un chenal étroit bâti entre deux parois rocheuses vertigineuses se présente alors. Le  Trollfjord se fraye un passage dans le Raftsundet, un étroit goulet de 20 km de long, séparant les îles Vesteralen des Lofoten.

Le temps est splendide. Le navire se rapproche des Lofoten, emprunte une nouvelle fois le Trollfjord où nous croisons quelques touristes en vadrouille puis fait relâche dans la soirée à Svolvær, capitale de l'archipel, que nous avions visitée à l'aller.

Les ombres s'allongent, le Trollfjord appareille vers le grand large en direction de Bødø. Un grand coup de sirène qui me rappelle les temps anciens de ma jeunesse passée au bord de la mer quand, petit enfant, le soir dans ma chambre, j'entendais la grosse voix du paquebot France en partance pour les Amériques accompagner mon arrivée dans le royaume des songes (souvenirs, souvenirs,...). Un bateau de pêche, coque blanche et rouge, s'éloigne de nous. On voit son sillage qui ondoie sur une mer absolument lisse, tellement lisse qu'elle en paraîtrait presque solide. Puis au lointain, la barrière rocheuse des Lofoten qui se réduit pendant qu'un énorme soleil orange plonge dans la mer. Il décline avec une lenteur infinie, dans un ciel d'une profondeur et d'une pureté comment dire... dantesques, et il me semble que son coucher doive durer une éternité. Je constate avec extase que nous naviguons au moment et au lieu précis où dans sa chute il arrivera à frôler l'horizon avant de reprendre ensuite son ascension dans le ciel (pour emprunter un langage plus mathématiquement correct, il parviendra à son périgée tangentiellement à l'horizon...). Instants magiques que, dans un état d'excitation extrême j'arriverai à figer sur le capteur de mon appareil photo. Le ciel est flamboyant et vaste, strié de grands nuages effilés  qui se déploient vers le zénith imperceptiblement sombre. Quelques passagers partageant la même excitation savourent ce phénomène incroyable : l'astre joue avec les montagnes au loin, par moments il disparaît derrière elles, darde un rayon fugitif, s'éclipse de nouveau avant de finir par réapparaître pour de bon, triomphant pour entamer sa montée inexorable.

J'avoue que j'ai trouvé ça sublime. Une heure unique, inoubliable.

Un peu plus tard, François ma dit qu'il avait vu le rayon vert.


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