La condition humaine

Publié le par ErMa

"La condition humaine" d'André Malraux - Folio.

Un livre sur lequel - j'avoue - j'avais calé plusieurs fois, qui avait fini par échouer dans un coin reculé de ma bibliothèque, et donc les pages jaunies exhalaient une odeur tenace de poussière.

Sachant que je partais pour des vacances à tendance oisive (voir prochains articles), j'avais pris la décision d'emporter l'ouvrage, car me semble-t-il, l'heure était enfin propice pour en venir à bout.

Au final, je peux le claironner maintenant, OBJECTIF ATTEINT, et c'est avec une fierté discrète mais non dissimulée que j'ai tourné la dernière page de ce monument de la littérature du XXe siècle.

Le thème : le cheminement d'un groupe de révolutionnaires et d'un certain nombre de personnes qui les entourent dans la Chine des années 20  pendant les heures décisives qui précèdent le soulèvement de la ville de Shangaï. A l'époque du Kuomintang, du Komintern et de Tchang-Kaï-Chek, donc.

Tout travail mérite salaire, c'est bien connu : certes l'ouvrage est ardu, mais il réserve pour le courageux (moi donc,...) qui a su franchir l'obstacle des cinquante premières pages des richesses soupçonnées au départ mais qu'il faut bien évidemment mériter.

D'entrée de jeu, on est petit à petit  englouti dans une ambiance évoquant  le "Lotus bleu" de Tintin ; celle d'une Chine cruelle, un pays raffiné car adossé sur une civilisation plus que millénaire, mais néanmoins parcouru par des forces obscures ne demandant qu'à se réveiller. Ici, dans cet univers interlope, jouet des rivalités internationales (on pense aux concessions étrangères, émanations des puissances coloniales) et contrôlé à distance par Moscou, on sent bien que la menace couve. Ne manque qu'une étincelle pour que la férocité des hommes se déchaîne et mène chacun des protagonistes de l'histoire face à son destin.

Comme dans les romans de Camus, chacun des personnages a été construit de manière à représenter une attitude face aux événements qui s'enchaînent et représente plus généralement  une posture "existentielle". On peut citer de façon non exclusive l'intello éminence grise (Givors), le révolutionnaire fanatique (Tchen) pour qui l'engagement, allant jusqu'au meurtre et au martyre (ce mot sonnant étrangement aux oreilles à l'heure actuelle) constitue la seule raison de vivre (on peut oser le rapprochement avec le fondamentalisme islamique actuel puisque l'attentat suicide représente dans ce cas la forme la plus extrême de l'engagement), le joueur désinvolte et désabusé (Clappique), ou encore le matérialiste intéressé par la seule volonté de domination (Ferral).

Derrière l'exotisme du décor et l'aspect très daté de l'histoire (quelle personne intervievée dans la rue pourrait  actuellement parler de façon pertinente du Kuomintang ?), on est captivé par certaines pages splendides  dans lesquelles fleurissent des
aphorismes qui ont le don de vous faire réfléchir très longtemps dont le suivant : "on ne possède d'un être que ce qu'on change en lui".

Une réflexion très profonde sur le sens de l'engagement politique, nourri par  l'angoisse et la difficulté de communiquer entre les êtres, et plus généralement sur l'homme et sa place dans le monde, entre dignité, grandeur et solitude.

Magistral, donc.

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