Terre des hommes

Publié le par ErMa

"Terre des hommes" d'Antoine de Saint-Exupéry - Folio.

Une sorte de frère jumeau du précédent, qui lui aussi, sommeillait dans un coin de ma bibliothèque, la différence étant que je l'avais déjà lu. A la recherche d'une pile de bouquins pour passer quinze jours de vacances, je me suis emparé de celui-ci. Je me suis également rappelé à cette occasion en avoir vu il y a quelque années une version filmée par Jean-Jacques Annaud, présentée en 3-D au futuroscope de Poitiers  et intitulée "les ailes du courage", et qui m'avait beaucoup plu.

Pourtant, il y a toujours quelque chose de risqué à vouloir renouveler une expérience très ancienne, avec à la clé la possibilité d'en ressortir frustré ou déçu car en l'espace (de dizaines) d'années nous avons changé, comme peut avoir changé également le regard que nous portons sur certaines choses, mais bon...

Au final, bonne surprise. Le charme opère toujours. D'abord celui des années de l'entre-deux-guerres (j'adore ce qui a été écrit pendant cette époque, j'ai d'ailleurs un peu de mal à m'expliquer pourquoi). C'était le temps où un tas de choses étaient permises, et où le sentiment de la finitude du monde n'avait pas jeté un voile oppressant sur tout ce ce que nous entreprenons. Avant les vols charters, les compagnies low-cost, avant que le joug du principe de précaution ne pose l'éteignoir sur tout ce que nous entreprenons.

Donc alors...  Dans cette période héroïque, ces messieurs partaient vaillamment avec la bite et le couteau, dans le sillage de l'illustre Mermoz, ouvrir des lignes nouvelles pour l'Aéropostale. Le plafond des avions étant limite, il fallait jongler avec les courants ascendants pour espérer franchir la Cordillère des Andes, ce qui valut à certains de manquer d'y laisser leur peau. On se souviendra à ce propos de l'odyssée de Guillaumet laissé pour mort, marchant des jours et des jours dans la montagne glacée, pour finir par s'échouer dans un village en Argentine pour y murmurer "ce que j'ai fait, nul bête au monde ne l'aurait fait".

Des aventures extraordinaires, où l'on voit que courage et (bonne) volonté n'allaient pas sans occulter pour partie le discernement en laissant libre cours à l'improvisation, voire à l'amateurisme, comme dans cet épisode, pièce centrale du récit, où l'on voit Saint-Ex et son mécanicien s'abîmer dans le désert Lybien sans aucune réserve d'eau et, tourmentés par la soif, finir marcher au hasard en s'éloignant de l'aéronef, au mépris de tous les principes conventionnels de sécurité.

Époque bénie, certes, mais que je me refuse à railler. Bien loin des "galères" organisées du Dakar, des commentaires histrioniques de Gérard Holtz, ou alors des états d'âme de ces pseudo-aventuriers arrogants regrettant que leur victoire soit gâchée par quelques africains venus se jeter sous les roues de leur 4x4.

Et puis, il y a le reste. L'écriture : simple, limpide. Et le climat : un beau message humaniste, un peu daté certes, voire franchement cucu par moments, mais quand même. Avec de belles phrases dont celle-ci qui a fait florès par la suite : "l'amour, c'est ne pas se regarder l'un l'autre, mais regarder ensemble dans la même direction", ou encore celle qui clôture le récit : "Seul l'esprit, quand il souffle dans la glaise, peut créer l'homme".

Au bout du compte, un bouquin de ceux que j'aime, dont on referme la dernière page avec regret, qui continue à vivre en nous en nous insufflant un certain sentiment de plénitude.
  

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